Georges Charensol - Historien du cinéma.
Sa passion pour l'oeuvre de René Clair.

Il est intéressant de signaler les livres de Georges Charensol : " Un maître du cinéma, René Clair " publié en 1952 ainsi que " D’une rive à l’autre " où il parle de son ami :

..." Net, mince et élégant, nous l’admirions parce que nous avions aimé son premier film, "Paris qui dort".
La grande époque de René Clair se situe un peu plus tard, au début du parlant. Il fit un premier essai avec " Sous les toits de Paris ", sorte de manifeste où la parole est agressivement subordonnée à l’image….

Tous les films de cette époque il les tourna au studio d’Epinay.

Il constitua une équipe que soudait une étroite amitié. Le décorateur Lazare Meerson, l’opérateur Georges Périnal, l’assistant Georges Lacombe ne quittaient pas le " patron "….
Les acteurs participaient à cette fête de rires, de mises en boîte, de trouvailles spontanées, de travail intensif.

L’auteur du "Million" s’est toujours attaché à maintenir autour de lui un climat de gentillesse, qu’appréciait la troupe formée par Jim Gerald , Préjean , l’indispensable Paul Olivier, Raymond Cordy.

Il sut reconstituer plus tard cette ambiance autour de Gérard Philipe qu’il considérait comme un fils.

Je crois bien que le seul acteur qui y soit resté insensible fut Michel Simon, ce qui ne l’empêcha pas de faire à Rome une étonnante création dans " La Beauté du Diable".

J’ai vu René Clair à Londres alors que, venant de triompher avec " Fantôme à vendre", il préparait "Break the News "avec Albert Valentin. "...

René Clair et " ENTRACTE " :

- "Le Théâtre des Champs-Elysées tournait à plein quand j'y arrivai. Les Ballets suédois multipliaient les créations. Celles que je préférais étaient inspirées du folklore Scandinave.
Ces ballets traditionnels favorisaient mieux Jean Borlin que ceux commandés aux 
plus grands poètes, musiciens et peintres d'avant-garde, telle la Création du monde dont la musique était de Darius Milhaud et les décors de Fernand Léger. En trois ans il y eut vingt créations de cette ampleur.

Pendant l'entracte de Relâche, (crée le 4 décembre 1924) dû à la collaboration de Francis Picabia et d'Erik Satie, un film devait être projeté pour permettre le changement de décor.

Il s'intitulerait tout naturellement Entracte et fut confié à René Clair. Le projet de Picabia tenait en une petite page, ce qui était court pour un film d'une demi-heure. C'est dire que le cinéaste jouit d'une totale liberté pour en faire ce qui est devenu le grand classique du film d'avant-garde, avec les séquences fameuses du scénic-railway ou de la danseuse évoluant sur une plaque de verre et qu'une caméra placée dans les dessous de la scène du Théâtre des Champs-Elysées photographiait de bas en haut.


La danseuse femme à barbe.

Prologue du ballet :
Satie et Picabia canonnant la salle.

Tournage sur la terrasse du théâtre :
René Clair, Satie et Picabia
 .

J'assistai également aux prises de vues de la partie d'échecs entre Man Ray et Marcel Duchamp interrompue par un jet d'eau balayant l'échiquier, et de l'apparition de Borlin en prestidigitateur sur la terrasse couverte de galets du théâtre.
René Clair nous dit un jour : « Je tourne demain à Luna-Park. Si ça vous amuse de venir faire de la figuration... » C'est pourquoi, derrière le corbillard traîné par un chameau, on reconnaît Pierre Seize, Marcel Achard, Touchagues, André Lebon, administrateur du théâtre, et moi-même.


Fin du film : Jean Borlin sortant du cercueil.

Le soir de la générale les invités trouvèrent la salle fermée et on afficha « relâche ». On crut à une nouvelle mystification de Picabia. Mais Jean Borlin était réellement malade. Quand le ballet fut enfin créé »… » René Clair eut la surprise d'être applaudi par Breton et ses amis".

« Un maître du Cinéma : René Clair » G Charensol la Table Ronde 1952.

Pour finir citons Fernand Léger qui intervient dans la bataille sur « Entracte ».

« Le cinéma va naître, attention, ouvrez les yeux. Du ralenti, au rapide, du gros plan à l’infini petit, toute la fantaisie humaine, bridée dans les livres et le théâtre, va se déchaîner. Le scénario s’envole loin et inutile. La vedette vous souhaite bonne chance et disparaît, alors on commence à s’amuser vraiment, à utiliser les yeux pour des choses qui en valent la peine.

Croyez moi, passez chez l’oculiste, faites refaire vos yeux, vos lunettes. Le cinéma va commencer… il commence… attention, ça y est déjà. »


Carte de Erik Satie à René Clair.