Georges Charensol fait la connaissance de Robert Bresson après la guerre, il le décrit ainsi :

 «le regard bleu perdu dans une rêverie, fin, élégant, plus mystique que religieux ; a d’abord été peintre, il a le caractère méditatif de l’artiste qui pense longtemps à ce qu’il entend faire, mais, quand il passe à la

réalisation, »… » sa volonté est inébranlable, et aucun échec ne
saurait l’entamer quand 
il s’attache à l’expression d’une certaine
vie intérieure : obtenir 
des êtres qu’ils avouent et que la caméra
capte ces aveux, 
voilà l’objet de ses préoccupations permanentes. »

 

Il a tourné en 1934 un court métrage comique, les Affaires publiques. A son retour de captivité, il revient au cinéma pour faire les Anges du péché.

 Mais, comme le dit Georges Charensol, le grand choc sera après la guerre: « Quand je rentrai à Paris en 1945, « … » je ne manquai pas une présentation et, un matin d'hiver, je me trouvai avec une cinquantaine de mes confrères dans l'immense et glaciale salle du Rex pour la projection du second film de Robert Bresson.

J'ignorais tout des Dames du Bois de Boulogne.

Dès que la projection commença je fus bouleversé par la révélation d'un style qui ne ressemblait à aucun autre. Je trouvais là une forme d'expression que j'avais toujours souhaitée sans jamais la rencontrer.

 Unanimement éreinté par la critique, le film n'eut qu'une brève carrière et devint, pour beaucoup de mes amis, un inépuisable sujet de plaisanterie. J'étais pour eux le demeuré qui avait aimé ce film incompréhensible et je fus surnommé « L'homme des Dames ». »

  

        

Bresson éprouve le besoin de s’appuyer sur un texte auquel il est profondément accordé. Il choisit

le Journal d’un curé de campagne, et utilise les pages mêmes de Bernanos, soit que nous les
entendions dites par une voix hors champ, soit qu’elles s’inscrivent sous la plume du jeune prêtre.

Pour la première fois, il décidé d'utiliser des comédiens non professionnels. Chez moi, un dimanche, il rencontra un psychiatre connu, le Dr Andrein Borel. Il l'observa longuement et finit par lui dire: " Vous êtes le curé de Torcy." Naturellement, le médecin pris cela pour une boutade. Mais Bresson avait réponse à tout et une ténacité capable de vaincre les plus acharnées résistances. Borel finit par se rendre, à la condition que son nom ne figurerait pas au générique. (Pseudo: Amand Guilbert)
Les séances de tournage furent épiques. Selon sa coutume, dans le village du Nord, en plein hiver, où il avait rassemblé sa troupe, Bresson faisait recommencer vingt, trente fois chaque plan. L'aventure qui avait un moment amusé le docteur tournait au cauchemar.





                            


Avec Un condamné à mort s’est échappéil renonce totalement aux comédiens professionnels et s’attache à ce qui seul lui importe : faire affleurer l’âme à la surface. Profond analyste de la solitude il place son condamné dans une cellule du fort Montluc, à Lyon, et décrit le drame de l’homme qui, placé dans une situation désespérée, parvient par sa seule force intérieure à la dominer.






         Plus complexe est Pickpocket, le chef-d’œuvre à ce jour de Bresson. Une fois de plus, il peint un être seul, coupé du monde réel. Chacun de ses gestes, chacun des rares mots qu’il prononce est si fortement chargé de sens que nous sommes fascinés par un art qui, avec des moyens d’une extrême simplicité, force les portes interdites et fonde sur le concret une expression aux limites de l’abstrait.



         Cet art tout intérieur, qui réagit si fortement contre le cinéma romanesque, est porté à son sommet dans
le Procès de Jeanne d’Arc (1962), où les paroles prononcées par Jeanne dans sa prison prennent leur sens à la fois mystique et humain.


                       



A cet instant je prendrai la parole comme témoin discret de ses visites dominicales auxquelles mon père fait allusion plus haut, lorsqu’en compagnie de sa femme, il traversait la Seine pour venir de l’île St Louis juste en face. Après les discussions animées autour d’une une tasse de thé sur les livres que mon père lui prêtait, j’entendais ce monsieur si sérieux parler de ses projets de films improbables où il projetait de raconter l’histoire d’un âne ou la légende des chevaliers de la table ronde. Les images suggérées par mon imagination furent à cet instant à cent lieues de celles qui existèrent  réellement.


Ainsi, en 1965, il entreprend un film Au hasard Balthazar dont le héros est un âne, où l’action est plus romanesque que celle de ses films précédents. Avec Anne Wiazemsky qui joue Marie, l'héroïne du film et qui sera plus tard « la chinoise » de J.L Godard.




         Puis le film en couleur Lancelot du Lac en 1974 et sa magnifique affiche de Savignac.